
Troisième lancement du Fonds de relance du Mont-Orford
L’annonce de la deuxième relance de la campagne pour créer un fonds de financement d’investissements dans la station touristique est emballée avec créativité par les responsables de sa mise en marché.
Le titre du communiqué mise sur la possibilité théorique de créer un effet de levier de 10 millions $ d’investissements. Le thermomètre d’usage pour les campagnes de financement est déjà rempli à 60%.
Lorsqu’on commence à analyser les forces et les faiblesse de cette démarche, on constate qu’il s’agit d’une révision à la baisse de l’objectif précédent. Dans les faits, l’objectif est réduit de 1 M $/an pendant cinq années à 650 000 $/an. L’objectif sur cinq ans passe donc de 5 M $ à 3 250 000 $.
Les deux plans de financement précédents, pilotés par la mairesse de Magog, Mme Vicki May Hamm soulevaient des questions. Il en va de même pour la troisième tentative de Mme Hamm.
Plan 1
Le premier plan visait à obtenir une majoration de 0,25% de la TVQ sur les territoires des municipalités d’Eastman, du Canton d’Orford et de Magog. Cette annonce a été faite sans vérifier la réceptivité du gouvernement à reconnaître un tel empiètement sur un champ de taxation provincial. De manière prévisible, la réponse a été négative.
Plan 2
Le deuxième plan maintenait l’objectif de 5 M $ et misait sur des apports diversifiés. L’objectif aurait été rencontré au niveau de 15,5%.
- La contribution de 100 000 $ / année des trois municipalités d’Eastman, du Canton d’Orford et de Magog. L’engagement des municipalités à ce niveau est confirmé.
- On attendait une contribution volontaire de 250 000 $ / année des gens d’affaires. Celle-ci n’aurait pas dépassé le niveau de 55 000 $.
- Une taxe de 3% sur les produits et services vendus sur le site de la station touristique serait affectée au Fonds de relance. Elle contribuerait au niveau de 165 000 $ / année. Une telle contribution est concevable dans un contexte de station touristique comme le Mont-Tremblant où un grand nombre d’entreprises sont appelées à contribuer au financement des installations. Dans le cas du Mont-Orford, cette taxe ne ferait que creuser la situation déficitaire de la station de ski ou éloigner la perspective du partenaire privé de parvenir à une situation profitable.
- On prévoyait une contribution de 400 000 $ / année du gouvernement. Les instances gouvernementales investissent déjà dans le barrage, la conduite d’eau, la mise aux normes du chalet, le déficit d’exploitation de la dernière saison... Il y a encore la poursuite de 30 M $ de l’ancien propriétaire qui n’est pas encore réglée. Le gouvernement n’investira pas dans le Fonds de relance. Encore là, on ne force pas les investissements gouvernementaux en les annonçant sans avoir eu un consentement ministériel.
- L’exigence d’une contribution de Tourisme Cantons de l’Est dont le rôle est de promouvoir le tourisme dans la région était mal ciblée. Ce n’est pas son rôle de financer des infrastructures. L’organisme contribue déjà au financement de la promotion de la station touristique. L’affichage de cette contribution dans le Fonds de relance n’apporterait rien de nouveau.
Plan 3
La troisième version du plan est axée sur les éléments suivants :
- L’engagement des municipalités est maintenu au niveau de 101 000 $ / année .
- Sans explication, la contribution du projet de taxe de vente de 3% sur le territoire de la station passe de 165 000 $ à 200 000 $. Il est improbable que le futur partenaire privé de la SÉM accepte une telle clause dans la négociation sur la « convention unanime des actionnaires » en même temps que la clause qui spécifie qu’il sera le seul à assumer le déficit d’exploitation.
- Des crédits marketing des hôteliers seraient évalués à 35 000 $ / année. S’agit-il d’argent neuf en numéraire ou est-ce des échanges en services déjà existants dans les opérations de la station de ski ?
- Des dons et commandites évalués à 50 000 $ / année. Encore là s’agit-il d’argent neuf ou d’appropriation de ressources existantes dans le cours des opérations de la station de ski ?
- Des contributions des particuliers évaluées à 5 000 $ / année. Par quel mécanisme les particuliers seraient appelés à faire des dons ? Fait-on référence à l’initiative d’Orford 911 ?
Sur le nouvel objectif de 650 000 $, on aurait donc identifié des contributions de 395 000 $ ou de 391 000 $ / année selon le paragraphe du communiqué auquel on fait référence. Cela permet d’afficher un thermomètre rempli à 60% pour susciter de l’enthousiasme auprès d’éventuels donateurs appelés à contribuer de l’argent neuf.
La contribution des gens d’affaires
On ne comptabilise pas les contributions de 55 000 $ des gens d’affaires qui auraient été promises au cours de la précédente initiative de sollicitation. Cela permettra de faire une annonce pour démontre le dynamisme de la campagne. Le commerçant Alain Vanden Eynden, ex conseiller municipal et candidat à la mairie de Magog, s’est joint à l’initiative du Fonds de relance sous la direction de la mairesse Vicki May Hamm. Il représente la Chambre de commerce et d’industrie Magog-Orford. La Chambre s’était engagée à contribuer 250 000 $ précédemment. Son engagement est maintenant réduit à 200 000 $ par année.
La contribution des particuliers
De plus, le groupe de pression Orford 911, qui s’affiche comme le représentant des skieurs, s’engage de son côté à solliciter les particuliers pour une contribution de 100 000 $ / année.
Fait à noter, ce groupe de pression n’a pas de structure officielle. Proche de la chambre de commerce et influent auprès des élus, ce groupe se présente comme un contrepoids aux environnementalistes. Son site, orford911.com, ne donne aucune information sur sa composition ni sur son fonctionnement. Les membres doivent s’engager à endosser ses orientations mais aucun mécanisme d’assemblée générale n’est prévu pour donner le droit de parole aux membres.
Il est étonnant que la MRC de Memphrémagog associe un groupe de pression à une campagne de levée de fonds sans exiger l’encadrement et la transparence nécessaires pour donner une légitimité à ses actions. Selon le président, Raymond Gagné, une vingtaine de personnes participeront à une collecte de fonds [1]. Cette levée de fonds sera-t-elle accréditée par le CLD de Memphrémagog et les fonds seront-ils versés directement au CLD ?
Un malaise persistant
Un malaise persiste dans l’encadrement de la démarche collective pour assurer la relance des installations touristiques du Mont-Orford. La Coopérative de solidarité du Mont-Orford a été créée en 2006 pour répondre à cet objectif. Près de mille membres actionnaires de la coopérative ont amassé des capitaux dont la valeur était de 132 565 $ au bilan de 2009. Ces membres sont des citoyens de la région et des skieurs motivés à investir des fonds personnels dans la relance de la station touristique. La Coopérative est traitée comme un entrepreneur parmi d’autres et elle doit répondre aux mêmes exigences qu’un entrepreneur privé. La région a la chance de pouvoir compter sur un mouvement de citoyens dédié à la sauvegarde de ce patrimoine. Les usagers de SkiMontjoye, eux, n’ont pas eu le temps de s’organiser.
Il est étonnant qu’aucun effort ne soit fait pour intégrer la force coopérative dans la relance de la station touristique. La SÉM, de par sa nature, peut intégrer plusieurs actionnaires en plus de la MRC et d’un éventuel partenaire privé. On ne sait pas encore si la Coopérative participera à l’appel d’offres du dernier recours.
Il est vrai que la MRC de Memphrémagog fait le pari de pouvoir remettre la station touristique entre les mains d’un exploitant privé et de se retirer du dossier le plus rapidement possible. La Coopérative n’est pas suffisamment capitalisée pour rendre viable un tel scénario. Un partenaire privé intéressé et capable de répondre aux attentes des maires existe-t-il ? Là est la question et, si le passé est garant de l’avenir, le scepticisme est de rigueur.
On verra à partir du 23 mars quelle nouvelle direction prendra la saga du Mont-Orford.
[1] Mont-Orford, l’objectif du Fonds de relance revu à la baisse, Jean-François Gagnon, La Tribune 2011-03-09